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La Paix, éternelle Utopie ?
Pas facile de décrypter le chaos du monde pour les spectateurs, plus ou moins lointains, que nous sommes, face aux faits tragiques qui nous submergent en avalanche via la presse, les réseaux sociaux, vraies ou fausses nouvelles… Et c’est dans ces moments-là que nous avons encore plus envie de croire...

LES SALLES UTOPIA SE METTENT AU VERT
Vous y croyez, vous, au bon sens qui voudrait que partir se bronzer les fesses à l’autre bout du monde  avec des avions Macron volant avec du bio kérozène made in France serait bon pour votre corps et la planète ? Cela ne ressemblerait-il pas étrangement au discours tenu il y a quelqu...

Justine Triet parle d’or
Il aura donc suffi de quelques mots, à peine, pour que la Ministre de la Culture, celui de l’Industrie, quelques maires et députés de la majorité, volent dans les plumes et la palme de Justine Triet, réalisatrice couronnée d’Anatomie d’une chute, sermonnant en substance : « ce n’est pas bi...

Rosmerta continue ! Vous connaissez l’histoire ? 
Depuis les débuts, et même avant, Utopia Avignon suit l’histoire de près ! Ça fait presque cinq ans qu’on vous en parle dans nos gazettes, à chaque rebondissement. Ce qu’il s’est passé depuis 2018 : réquisition citoyenne d’une école vétuste appartenant au diocèse, procès et appel...

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LE JEUNE AHMED

Écrit et réalisé par Jean-Pierre et Luc DARDENNE - Belgique 2019 1h24 - avec Idir Ben Addi, Olivier Bonnaud, Myriem Akheddiou, Victoria Bluck, Claire Bodson, Othmane Moumen...
Prix de le mise en scène au Festival de Cannes 2019.

(ATTENTION ! Cette page est une archive !)

LE JEUNE AHMEDLe jeune Ahmed, 13 ans, la caméra puissante et discrète ne le lâche pas un instant. Désarmée par les choix de son petit protagoniste, elle se fait même insistante, prête à l’épauler s’il chute. Elle se tient à l’affût de ses moindres soupirs, plus criants que des mots. Elle ne loupe aucun souffle des personnages, nous laisse à peine le temps de reprendre le nôtre. Ce n’est pas tant l’action qui est mise en scène ici, mais bel et bien l’impuissance des adultes qui gravitent autour de ce jeune Ahmed à l’âme impénétrable. C’est pourtant un gentil garçon qui évolue sous nos yeux. Il transpire la bonne volonté. Poli, il s’applique à être celui qu’on lui demande d’être, même trop. Car la voix prépondérante dans sa tête n’est plus celle de cette enseignante remarquable qui ne s’économise pas pour élever les mômes du quartier au dessus de leur condition sociale. Ni celle de cette mère imparfaite comme toutes mais prête à tout pour ses enfants. Ni celle des copains, jugés insuffisamment pieux. La voix prépondérante ne sera même plus celle de l’imam intégriste qu’Ahmed s’était mis à suivre aveuglément. Tous seront dépassés par cet élève, ce fils, ce disciple. La voix prépondérante ne sera bientôt plus que celle de Dieu lui-même, ou plutôt celle d’un Coran revisité pour pousser à la haine plutôt qu’à l’amour.

C’est simple de détourner un adolescent qui se cherche et redoute les changements de son corps, c’est presque trop facile d’utiliser sa peur de ne pas être à la hauteur. Quand on a treize ans, on a soif d’absolu. Quand on a treize ans, on a des certitudes, refuges illusoires. Quand on a treize ans, on ne mesure pas toutes les conséquences de ses mots et de ses actes. On connaît peu la fragilité de l’existence ou on ne veut pas la voir, car elle aussi fait peur.
C’est ainsi qu’entre deux révisions, deux prières, Ahmed va avoir la volonté d’un geste brave, pour purifier son monde et se faire une place dans l’autre, auprès de son cousin mort au jihad et glorifié comme martyr. L’imam au verbe haut lui semble soudain bien pleutre, l’heure venue de passer à l’action. Ahmed s’apprête donc à le faire avec ses maigres moyens, mais une détermination farouche. Quelques connexions internet plus tard, le voilà prêt à commettre un acte aussi irréparable que stupide. Tout autour, sans imaginer l’impensable, les adultes s’inquiètent, désemparés de voir leurs bonnes vieilles recettes inopérantes face à l’adolescent en pleine ébullition intérieure, devenu indocile et qui se pense en droit de leur donner des leçons. Placé en centre fermé, entouré d’éducateurs redoutablement patients, respectueux et aguerris, Ahmed refusera d’abord toutes les mains tendues, s’enfermant dans son mutisme, refusant jeux, travaux à la ferme et tout contact avec cette vie organique où pourtant une jeune adolescente drôle et sensuelle le dévore des yeux… La suite ? On l’espère, tout autant qu’on la redoute.

S’il nous exaspère, s’il nous effraie, jamais on ne parviendra à détester Ahmed. C’est toute la force du cinéma des Dardenne, toute la force de ce film qui nous laisse avec la vision indélébile d’un gosse mal dégauchi qui fait ses ablutions, de ses gestes répétitifs, presque des tocs, de sa fragilité adolescente, de sa démarche mal assurée, de ses pieds introvertis, rentrés en dedans comme s’ils ne pouvaient aller vers le monde, s’ouvrir à lui. Avec son popotin un peu trop présent qui lui donne de dos des courbes androgynes, Ahmed n’a pas fini de nous déconcerter. Pas si loin de ce qu’on était à cet âge-là, pas si loin de tous les ados que l’on croise dans la rue, dans nos vies.