LA GAZETTE
(à télécharger au format PDF)

NOUS TROUVER
(et où trouver la gazette)

NOS TARIFS :
TARIF NORMAL : 7,50€
CARNET D'ABONNEMENT : 55€ (10 places, non nominatives, non limités dans le temps, et valables dans tous les Utopia)
Séance avant 13h : 5€
Moins de 18 ans : 5€

RSS Cinéma
RSS Scolaires
RSS Blog

(Quid des flux RSS ?)

EN DIRECT D'U-BLOG

Le blog des profondeurs...
(de champ)

La Paix, éternelle Utopie ?
Pas facile de décrypter le chaos du monde pour les spectateurs, plus ou moins lointains, que nous sommes, face aux faits tragiques qui nous submergent en avalanche via la presse, les réseaux sociaux, vraies ou fausses nouvelles… Et c’est dans ces moments-là que nous avons encore plus envie de croire...

LES SALLES UTOPIA SE METTENT AU VERT
Vous y croyez, vous, au bon sens qui voudrait que partir se bronzer les fesses à l’autre bout du monde  avec des avions Macron volant avec du bio kérozène made in France serait bon pour votre corps et la planète ? Cela ne ressemblerait-il pas étrangement au discours tenu il y a quelqu...

Justine Triet parle d’or
Il aura donc suffi de quelques mots, à peine, pour que la Ministre de la Culture, celui de l’Industrie, quelques maires et députés de la majorité, volent dans les plumes et la palme de Justine Triet, réalisatrice couronnée d’Anatomie d’une chute, sermonnant en substance : « ce n’est pas bi...

Rosmerta continue ! Vous connaissez l’histoire ? 
Depuis les débuts, et même avant, Utopia Avignon suit l’histoire de près ! Ça fait presque cinq ans qu’on vous en parle dans nos gazettes, à chaque rebondissement. Ce qu’il s’est passé depuis 2018 : réquisition citoyenne d’une école vétuste appartenant au diocèse, procès et appel...

Soutenez Utopia Palmer

FIRST COW

Kelly REICHARDT - USA 2020 2h02 VOSTF - avec Orion Lee, John Magaro, Toby Jones, Lilly Gladstone, Eve the cow... Scénario de Kelly Reichardt et Jon Raymond, d’après son roman The Half-life. Musique de William Tyler.

(ATTENTION ! Cette page est une archive !)

FIRST COW« À l’oiseau le nid, à l’araignée la toile, à l’homme l’amitié. »
William Blake, Proverbes de l’enfer

On entre étonnamment dans cet enthousiasmant First cow par des images contemporaines, qui montrent une promeneuse arpentant avec son chien les rives du fleuve Columbia tandis qu’une énorme barge le remonte. On ne vous dévoilera pas la fin de la balade et on préfère vous projeter quelques séquences plus tard mais 200 ans plus tôt, au cœur de notre récit et des forêts, à l’époque fort inhospitalières, de l’Oregon, état du Nord-Ouest américain, à la frontière canadienne – région chère depuis toujours au cœur de la réalisatrice Kelly Reichardt. On s’attache à Cookie Figowitz, qui est le cuisinier en même temps que le souffre-douleur d’une bande de trappeurs pour lesquels pourtant il se démène, glanant quelques champignons afin de leur préparer un repas à leur goût, du moins il l’espère. Cookie n’est pas franchement le cow-boy de légende tel qu’on se l’imagine, tel que les grands westerns triomphalistes l’ont statufié, toujours prêt à affronter Indiens et malfrats, à sauver des belles en péril, capable de tirer tout en chevauchant à bride abattue à travers les plaines immenses. Cookie est juste un de ces innombrables pionniers qui ne prétendent surtout pas avoir l’étoffe des héros, qui ont juste fui la misère en Europe pour rejoindre le Grand Ouest américain dans l’espoir d’un avenir meilleur.



Dans ses pérégrinations forestières autant que nocturnes, Cookie tombe sur un Chinois nu, King Lu, qui fuit une bande d’assassins russes après avoir réussi à tuer l’un d’entre eux. Entre les deux hommes va se nouer une indéfectible amitié, comme il n’en naît qu’entre les outsiders qui n’ont d’autre choix que la solidarité. Ils décident tous deux de s’installer dans la petite ville la plus proche et de tenter de s’y faire une place. Quand on dit « ville », c’est un bien grand mot : à cette période qui correspond aux débuts de la conquête de l’Ouest, les rares pionniers vivent dans des cabanes de guingois, faites de rondins et autres matériaux de récup, et pataugent les trois-quart du temps dans la boue, manquant de tout, se faisant une joie du moindre petit plus qui vient améliorer l’ordinaire. Et justement Cookie a un talent qui vaut de l’or : il fut un temps pâtissier, et ses petits gâteaux vont faire le bonheur des rudes gars du coin. Et quand les deux amis apprennent que le notable du bourg, qui se fait fort de maintenir dans sa demeure un semblant – assez ridicule – de standing britannique, est l’heureux propriétaire de la toute première vache introduite en Amérique, ils vont se dire que s’ils parviennent à lui chiper chaque jour un peu de lait, les gâteaux seront bien meilleurs et se vendront mieux et plus cher…

À partir d’une intrigue minimaliste qui s’avère pourtant trépidante, la grande Kelly Reichardt, déjà réalisatrice en 2010 d’un premier western singulier et magnifique, La Dernière piste, nous plonge au cœur du mythe américain par excellence, celui qui retrace le parcours et le destin des pionniers des origines. Elle montre superbement leur vie quotidienne, leur solidarité, leurs liens très forts grâce auxquels ils renversent… on ne dira pas des montagnes, ils n’en ont pas l’ambition, mais des collines, des talus, des buttes… c’est déjà beaucoup. Elle décrit bien aussi ce monde d’avant le génocide indien, quand les nouveaux arrivants devaient négocier avec les autochtones, ne serait-ce que pour assurer leur survie. Comme dans La Dernière piste, Kelly Reichardt délaisse le cinémascope, l’image large généralement – et paresseusement – associée au western, et choisit le format standard proche du carré, qui serre au plus près les personnages, nous les rend plus proches. Ce qui ne l’empêche nullement de magnifier une nature grandiose et encore inviolée, avant que les paysages de l’Ouest ne soient transformés en immenses corrals à chevaux ou en réserves géantes de biftecks sur pattes – à cet égard, le caractère unique de la vache qui donne son titre au film est particulièrement symbolique. On devine en toile de fond la naissance du capitalisme sur lequel se construira l’Amérique tout en détruisant la nature et une partie de ses habitants, et cette humble histoire d’amitié, de vache et de gâteaux nous éblouit, lumineuse et poétique.