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ETERNAL DAUGHTER

Écrit et réalisé par Joanna HOGG - GB 2022 1h36 VOSTF - avec Tilda Swinton, Tilda Swinton, Joseph Mydell, Carly-Sophia Davies... Produit par A24 et Martin Scorsese.

(ATTENTION ! Cette page est une archive !)

ETERNAL DAUGHTERPays de Galles, une route de nuit en pleine forêt, plongée dans un épais brouillard. Pleins phares, un taxi roule prudemment jusqu’au parvis d’un petit manoir de style gothique converti en hôtel où se présentent une femme, sa mère âgée et leur setter anglais. Dès les premiers instants, les images se chargent d’un charme énigmatique et on se délecte d’avance d’un film qu’on se plairait à croire tiré d’un recueil perdu d’Edgar Poe ou d’une nouvelle oubliée de Maupassant, avec parquet grinçant, lieux inquiétants et psychologies tourmentées… Mais s’il emprunte tous les codes liés au genre, Eternal daughter aborde pourtant l’exercice avec beaucoup de sobriété et une réjouissante singularité. La cinéaste Joanna Hogg et la merveilleuse Tilda Swinton guident patiemment le film vers un récit intime, sans à-coups ou fausses fascinations pour l’irrationnel, un conte élégant et mélancolique construit autour d’un rapport aussi pur qu’ineffable : le soin et l’amour que se portent mutuellement une mère et sa fille.

La particularité frappante du film est d’avoir confié à Tilda Swinton les deux rôles de Rosalind, la mère, et de Julie, la fille. Dans un travail de polymorphie remarquable dont elle a le secret, la comédienne installe le doute. Lorsque Julie s’approche de la réceptionniste, la sensation d’étrangeté se poursuit. L’employée ne semble pas très disposée à correctement recevoir ses nouvelles arrivantes. La réservation de Julie était précise : une chambre à l’étage, face au jardin. La réceptionniste dit n’avoir qu’une chambre au rez-de-chaussée. Pourtant, les lieux ne semblent guère fréquentés : aucune clef ne manque au tableau derrière le comptoir… Avec une persévérance distinguée, Julie obtient une chambre partagée à l’étage. Inutile de s’agacer : les deux femmes sont venues passer ici une retraite paisible de quelques jours, dans le but pour Julie de travailler sur un scénario en germe et d’offrir à sa mère un peu de repos dans ce lieu qu’elle connaît parfaitement. Car la demeure était autrefois propriété de la famille. Jeune, Rosalind y passait les vacances chez sa tante et en garde d’excellents souvenirs. Julie nourrit l’espoir que sa mère, de nature peu expansive, lui livrera quelques détails dont elle pourra se servir pour son travail d’écriture.

La première nuit ne s’avère pas très bonne et les journées suivantes peu favorables à l’inspiration de Julie. Un ensemble de phénomènes discrets planent sur leur séjour : le bruit récurrent d’une fenêtre qui claque, l’absence de tout autre résident dans l’hôtel, la fuite nocturne du chien qu’il faut partir chercher à travers le domaine, etc. La relation entre les deux femmes reste pourtant marquée par une attention et une bienveillance toujours égales. Julie fait aussi la connaissance de Bill, le majordome, qui lui confie avoir décidé de continuer à officier au château après la mort de sa femme qui, comme lui, travaillait jadis sur les lieux. À mesure que l’étrangeté des lieux prend place dans son quotidien, Julie va adopter de nouvelles perspectives sur sa conception du souvenir et sur l’attachement qu’elle porte à sa mère et aux autres.

Formellement très abouti (filmé en pellicule, travail sonore méticuleux, partition sinueuse d’Antonin Dvořák), Eternal daughter réussit à explorer un sentiment particulièrement intime – le rapport à la mère – niché au creux d’un style pourtant extrêmement codifié. Le jeu tout en dédoublements et en reflets que livre Tilda Swinton, plus que jamais insaisissable, trouve son apogée dans un épilogue aussi surprenant qu’émouvant. Artiste britannique passée tardivement au cinéma et découverte en France à l’occasion de son récent dyptique The Souvenir Part I & II, Joanna Hogg donne le sentiment de produire un cinéma qui ne connaît pas de limite. Tout n’y est que va-et-vient : du film de genre à l’introspection, du présent au passé, de l’apparent à l’invisible. Et ce qui aurait pu n’être qu’un exercice de style prend soudain la dimension d’une œuvre intemporelle sur l’amour entre deux êtres liés à jamais.