DERNIER NOËL AVANT LA FIN D’UN MONDE
Le croiriez-vous ? La bonne nouvelle – car il y en a une – est arrivée le 9 novembre dernier du Conseil d’État, qui a annulé le décret de dissolution du mouvement des Soulèvements de la terre. Pris en Conseil des ministres fin juin, le décret suivait de peu la tentative de requalification – ou ...
La Paix, éternelle Utopie ?
Pas facile de décrypter le chaos du monde pour les spectateurs, plus ou moins lointains, que nous sommes, face aux faits tragiques qui nous submergent en avalanche via la presse, les réseaux sociaux, vraies ou fausses nouvelles… Et c’est dans ces moments-là que nous avons encore plus envie de croire...
LES SALLES UTOPIA SE METTENT AU VERT
Vous y croyez, vous, au bon sens qui voudrait que partir se bronzer les fesses à l’autre bout du monde avec des avions Macron volant avec du bio kérozène made in France serait bon pour votre corps et la planète ? Cela ne ressemblerait-il pas étrangement au discours tenu il y a quelqu...
Justine Triet parle d’or
Il aura donc suffi de quelques mots, à peine, pour que la Ministre de la Culture, celui de l’Industrie, quelques maires et députés de la majorité, volent dans les plumes et la palme de Justine Triet, réalisatrice couronnée d’Anatomie d’une chute, sermonnant en substance : « ce n’est pas bi...
Écrit et réalisé par Jeanne ASLAN et Paul SAINTILLAN - France 2023 1h48 - avec Céleste Brunnquell, Quentin Dolmaire, Ilan Schermann, Romane Bertrand...
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Un moment de grâce dans la vie de Sophie, dite Fifi, c’est sans doute quand elle pédale à vélo, dans les rues de Nancy, seule, loin du huis-clos familial souvent survolté. Dès lors surgissent dans sa tête des musiques enjouées, apaisantes. Un petit sourire en coin, son imposante chevelure au vent, elle jubile, goûte pleinement ces instants de liberté simples, d’une fraîcheur vivifiante.
C’est que Fifi n’a pas grandi dans un cocon doré mais plutôt dans la famille débrouille, j’t’embrouille, au sein d’une cité. On ne peut pas dire que ce soit morne plaine dans l’appartement plein comme un œuf. Entre les deux grandes sœurs qui se provoquent en permanence, les crises de pleurs du bébé de la plus grande, le petit frère véritable tête à claques… les ordres des uns, les chamailleries des autres… et la daronne de tout ce beau monde plus larguée que méchante. Ce n’est pas son compagnon, faisant office de beau-père, qui contribue à stabiliser les choses : deux bohèmes réunis, plus faits pour la fête que pour l’éducation des mômes, qui du coup se débrouillent par eux-mêmes. Il faut voir la marmaille s’activer en tous sens pendant les grasses matinées de ces adultes immatures, qui n’assurent pas une cacahuète. Et Fifi n’est pas en reste, bonne pâte qu’elle est, acceptant sans rechigner toutes les tâches qu’on lui assigne, en particulier les courses pour lesquelles elle est souvent obligée de jongler avec le manque d’argent, d’inventer des stratagèmes pour compenser le vide des caisses familiales que les allocs ne suffisent pas à combler.
Et c’est pendant une de ses mornes virées, à la recherche de clopes et de couches pour le nourrisson, qu’elle va croiser l’une de ses anciennes compagnes de classe, Jade, qui gravite dans un univers bien éloigné du sien. Petit pavillon sage et propret, l’harmonie que procure la tranquillité de revenus réguliers. Jade se réjouit de son prochain départ en vacances, et de demander : « Et toi ? Tu pars où ? ». Il y a de la fierté chez Fifi à ne pas dire qu’elle ne va nulle part, alors même qu’on sent bien qu’il ne faudrait pas grand-chose pour que sa copine l’invite avec l’assentiment de ses parents aisés qui feraient œuvre de piété. Ce serait dans l’ordre social des choses, tous auraient bonne conscience. Mais ça ne se passera pas ainsi et de cette parenthèse rapide Fifi fera son miel, saisissant de façon effrontée l’opportunité (qu’on ne déflorera pas) qui passe à portée de sa main.
Son inconscience, qui aurait pu mal tourner, la fera rencontrer Stéphane, le fils de la famille, étudiant en école de commerce, désabusé, déjà blasé. Rencontre délicatement improbable de deux univers, de deux classes éloignées, loin des convenances, loin des « ça va ? » de circonstance qui n’appellent pas de vraies réponses. Entre ces deux-là naîtra une sorte de gémellité spirituelle, basée sur une absence de jugement salutaire, un refus d’imposer à l’autre quoi que ce soit. En eux, et pour des raisons diamétralement opposées, la même soif, le même besoin de respirer, de trouver enfin sa place, la même quête de calme intérieur. Voilà Fifi admise dans la cour de ce grand qui est de dix ans ou pas loin son aîné. Étrange attelage, qui ne cherche pas à fanfaronner, à se montrer aux autres qui ne comprendraient pas, chercheraient à mettre des mots sur leur relation anti-conventionnelle, à la contraindre dans une case. Rien de cela n’est ouvertement évoqué. Nulle démonstration bavarde, psycho-socio trucmuche. À la façon de Fifi et Stéphane, la caméra reste discrète, leur laisse la place d’exister, sans rien brusquer, sans essayer d’anticiper, de deviner. Progressivement on se prend à faire la même chose et on se sent bien dans cette relation où chacun s’apprivoise sans chercher à dominer, que ne trouble nul bavardage superflu. Très chouette film !