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30237
Et voilà, Vidéo en Poche c’est fini, le compteur s’arrête à 30237 copies vendues sans DRM sur clés USB ! À bientôt dans le cyberespace indépendant et surtout IRL dans les salles de cinéma :)Le 30 novembre à minuit, Vidéo en Poche a tiré sa révérence et retourne dans sa bouteille de ...

Stop Bolloré ! L'appel du collectif
Le collectif Stop Bolloré a vu le jour en décembre 2021 et rassemble des membres et des organisations de la société civile qui s’inquiètent de la concentration des médias et de l’édition en France et des dangers que cela représente pour la démocratie. Le projet du collectif, qui est poli...

Quiz des "trente dernières secondes" du n°101 au n°117
Ici sont archivées les publications du quiz des “trente dernières secondes” du n°101 au n°117   Samedi 17 avril Hier, fin N° 101. Juliette Binoche, 30 ans plus tard, et magnifique, dans un autre de ses plus beaux rôles. La musique, c’est le célébrissime Canon en ré majeur de Johann Pa...

Quiz des "trente dernières secondes" du n°51 au n°100
Ici sont archivées les publications du quiz des “trente dernières secondes” du n°51 au N°100 //////////////////////////////////////// Vendredi 26 février  Hier, fin N° 51. Saisissante. Tout comme l’est la séquence d’ouverture du film, qui montre la jungle s’enflammer sous les bombes a...

Mardi 28 FÉVRIER 2023 à 20h

ÉCRANS URBAINS #5 – VILLE, ARCHITECTURE, PAYSAGE


Cycle de films proposé par arc en rêve centre d’architecture en partenariat avec la revue L’Architecture d’Aujourd’hui. Présentation du film et échanges avec Christophe Catsaros, critique d’art et d’architecture.

PERFUMED NIGHTMARE

Écrit et réalisé par Kidlat TAHIMIK - Philippines 1977 1h32mn VOSTF - avec Kidlat Tahimik, Mang Fely, Dolores Santamaria, Katrin Müller...

(ATTENTION ! Cette page est une archive !)

PERFUMED NIGHTMAREDans le paysage cinématographique philippin est apparu récemment un genre inédit : les OFWs Films (Overseas Filipino Workers Films), fictions mettant en scène la vie de travailleurs émigrés philippins au Canada, en Italie, au Qatar… Près de dix millions de Philippins travaillent aujourd’hui à l’étranger, soit 10 % de la population totale : une institution pour un pays ayant fait de l’exportation de main d’œuvre un rouage essentiel de son économie. Participant de la comédie romantique, du travelogue et de la propagande, l’OFWs Film relève surtout de la contrefaçon : contrat de travail contre carte postale. Kidlat Tahimik, pionnier du cinéma indépendant philippin, a fait le voyage dès les années 1970.

Perfumed nightmare (1977) devance et raconte mieux que n’importe quel OFWs Film – et avec tellement plus d’invention et de poésie – la condition d’un travailleur émigré. Kidlat Tahimik y incarne un conducteur de jeepney assurant le transport de passagers depuis son village vers Manille, étourdi par la propagande radiophonique de Voice of America. « Je suis Kidlat Tahimik. Je choisis mon véhicule et je peux traverser n’importe quel pont », déclare-t-il à trois reprises, au début du film – en tagalog et en anglais. Eric De Guia (son nom de naissance) prend alors son nom d’artiste : première déclaration d’indépendance. Le pont qu’il traverse – construit par les Espagnols et que les ingénieurs militaires américains ont vainement tenté d’élargir – est quant à lui une possible métaphore du cinéma (et de l’architecture), emprunté par ceux, dit-il, « qui font de gros profits et [par ceux] qui font de petits profits ». À l’occasion d’un voyage à Paris au service d’un businessman américain qui a promis de l’emmener à Cap Canaveral, il échange naïveté contre désillusion. Chargé d’approvisionner des distributeurs de boules de gomme, il observe de près la transformation des modes d’organisation du travail : en l’espèce, les vendeurs du traditionnel marché des quatre saisons de l’ancien quartier des Halles disparaissent au profit de ce qu’il perçoit comme un affreux supermarché : le Centre Pompidou, alors en construction, incarnant la transition d’un monde à l’autre (en diagonale, suivant la pente de son escalator), monument structuraliste tardif mais sans doute trop théâtral (et parodiquement « high-tech ») pour ne pas être déjà pressenti comme une nef postmoderniste. Déçu, Kidlat rentre aux Philippines (pour construire une maison en bambou et feuilles de cocotier tressées : « durable » avant l’heure) à bord de l’une des cheminées-vaisseaux ornant le toit du musée, alors surnommé « Notre-Dame de la Tuyauterie ».

Dans l’œil du cinéaste, le bâtiment de Renzo Piano et Richard Rogers devient un totem à déconstruire : sa postmodernité, arrachée à la seule sphère stylistique, est interrogée dans sa concomitance avec les mutations du capitalisme, engendrant monstres et autres formes de congestion idéologico-esthétique. À la fantaisie syncrétique du bâtiment, comptable d’une conscience historique désarticulée, s’oppose ainsi la prise de conscience par l’apprenti cinéaste de la position impliquée par la situation des Philippines dans un système globalisé. Werner Herzog, qui a cédé le stock de pellicule 16 mm périmé qui a permis à Kidlat Tahimik de tourner son premier film, a déclaré à son sujet : « il est très fort dans les détours… ». On ajoutera qu’il est aussi habile dans les « détournements ». Perfumed nightmare est en effet un étonnant « véhicule » pour aller et venir entre Nord et Sud. En chemin, rien ne se perd, tout se transforme et invite au décentrement. Assaut redoutable livré à la jungle du monde, le film remet ainsi le cinéma à sa place : avec Perfumed nightmare, le cinéma est plus que jamais un usage du monde.

(Jennifer Verraes)