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30237
Et voilà, Vidéo en Poche c’est fini, le compteur s’arrête à 30237 copies vendues sans DRM sur clés USB ! À bientôt dans le cyberespace indépendant et surtout IRL dans les salles de cinéma :)Le 30 novembre à minuit, Vidéo en Poche a tiré sa révérence et retourne dans sa bouteille de ...

Stop Bolloré ! L'appel du collectif
Le collectif Stop Bolloré a vu le jour en décembre 2021 et rassemble des membres et des organisations de la société civile qui s’inquiètent de la concentration des médias et de l’édition en France et des dangers que cela représente pour la démocratie. Le projet du collectif, qui est poli...

Quiz des "trente dernières secondes" du n°101 au n°117
Ici sont archivées les publications du quiz des “trente dernières secondes” du n°101 au n°117   Samedi 17 avril Hier, fin N° 101. Juliette Binoche, 30 ans plus tard, et magnifique, dans un autre de ses plus beaux rôles. La musique, c’est le célébrissime Canon en ré majeur de Johann Pa...

Quiz des "trente dernières secondes" du n°51 au n°100
Ici sont archivées les publications du quiz des “trente dernières secondes” du n°51 au N°100 //////////////////////////////////////// Vendredi 26 février  Hier, fin N° 51. Saisissante. Tout comme l’est la séquence d’ouverture du film, qui montre la jungle s’enflammer sous les bombes a...

NOTHING BUT A MAN

Écrit et réalisé par Michael ROEMER - USA 1964 1h30mn VOSTF - avec Ivan Dixon, Abbey Lincoln, Julius Harris, Gloria Foster, Yaphet Kotto... Musique : divers artistes de la Motown, dont The Miracles, The Marvelletes, Martha and the Vandellas, Mary Wells – et un certain Little Stevie Wonder.

(ATTENTION ! Cette page est une archive !)

NOTHING BUT A MANIls sont une petite bande de cheminots itinérants, qui terrassent, posent des rails et fixent des traverses, sillonnent le pays selon le programme de développement du chemin de fer. Leurs baraquements de fortune se suivent et se ressemblent, de ville en bourgade, du nord au sud et d’est en ouest. Peu de trêves, peu de repos, un travail très physique et pas d’attaches, en contrepartie d’un plutôt bon salaire – et une réputation de bad guys infréquentables qui leur colle à la peau. Noire, la peau. Normal : dans l’Amérique des années 60, et a fortiori dans les états du sud, un sale boulot, manuel, dur, répétitif, sans persective d’avenir ni possibilité de concilier une vie de famille ou même sentimentale, c’est fatalement réservé aux moins considérés d’entre les prolétaires. Donc aux Noirs. Duff, la petite moustache avantageuse, est sans doute le plus jeune et le moins bavard du groupe de travailleurs taiseux et solidaires, qui est pour l’heure fixé dans un coin perdu d’Alabama. Tandis que pour se délasser ses camarades tapent le carton, vont tuer le temps autour d’une bière au comptoir avec une prostituée fatiguée, Duff dérive jusqu’aux portes de l’église baptiste où se célèbre un office chanté tout ce qu’il y a de vibrant, mené de main et de voix de maître par un prédicateur charismatique. Pourtant, ces célébrations, ces transes, comme l’expression exacerbée d’un besoin viscéral de croyance, « ces cris » comme il dit, ce n’est guère son truc à Duff. Lui, le taciturne à la foi incertaine, ce qui le ferait plutôt vibrer, c’est Josie. Josie, la fille du pasteur, cultivée, institutrice, qui ne quitterait pour rien au monde son école alors que les enfants ont tant besoin d’une instruction de qualité. Josie qui pour autant n’est pas insensible au charme de Duff. Toute la question étant de savoir si, en se sédentarisant par amour, l’indomptable cheminot cabossé par la vie pourrait trouver sa place et se couler dans le moule d’une petite société fermement tenue entre les tenailles de la domination blanche.

Par quelque bout qu’on le prenne, Nothing but a man est enthousiasmant. La photo, superbe, sans affèteries, dont le cadre parfait et le noir et blanc impeccable disent instantanément tout d’une scène, d’un lieu ou d’une situation – la séquence d’ouverture, splendide, qui plante en quelques plans le décor, le contexte et le personnage, est un modèle du genre. La bande son qui mêle sans ostentation mais avec sensibilité et intelligence la musique du film à la musique dans le film, participant à son ambiance particulière. L’écriture, sèche, précise, dégraissée de toute tentation mélodramatique, de toute psychologie de bazar, entièrement concentrée sur les actions et les interactions entre les personnages principaux, en lutte permanente contre les assignations raciales, sociales, sexistes, qui leur sont imposées. Les comédiens, quasi exclusivement noirs (l’immersion dans la vie de Josie et Duff est totale), pour partie amateurs, pour partie professionnels, apportent au film une émotion et une tension palpables – Ivan Dixon, qui a fait ses débuts devant les caméras de Richard Brooks et d’Otto Preminger, et Abbey Lincoln, dont la carrière de chanteuse commence à décoller, militent alors activement dans le mouvement pour les droits civiques.
On n’en revient toujours pas que cette pure pépite de cinéma, qui a tout du chef-d’œuvre instantané, ait pu rester aussi longtemps méconnue – en tous cas de nous. Car d’autres ont su en leur temps déceler son importance : Malcolm X, dont c’était le film préféré, et le jury du festival de Venise de 1964, qui lui décerna le prix de San Giorgio, attribué aux « films particulièrement importants pour le progrès de la civilisation ». De fait, après l’avoir découvert, on ne peut qu’abonder dans ce sens. Important, nécessaire, et d’une puissance d’évocation et d’une simplicité qui forcent le respect. Et on parle ici d’un tout premier film, volontairement réalisé en marge de l’industrie hollywoodienne, par un jeune réalisateur époustouflant qui, en tout et pour tout et au terme d’une carrière pour l’essentiel consacrée à l’enseignement du cinéma, n’aura signé que trois longs métrages – les trois films incroyables qui sortent en 2023 – si tard ! – sur les écrans.